Après avoir parcouru le monde sac au dos, visitant des domaines agricoles sur les cinq continents, Florence et Raphaël Tagini ont posé leurs valises à Bullet en octobre dernier où ils ont repris la ferme de Nicole et Louis Thévenaz au 1er janvier 2020.
Raphaël est né en 1991 et a passé son enfance à L’Auberson. Tout petit déjà il se rendait souvent au Corbet voir les vaches, puis donnait des coups de main à la ferme de Philippe Jaccard. Ne venant pas d’une famille d’agriculteurs, il a dû convaincre ses parents qu’il voulait en faire son métier et à force d’insister, il finit par avoir gain de cause et obtient son CFC d’agriculteur en 2011. Florence, née en 1993, grandit à Fontaines dans la ferme familiale et sait aussi depuis toujours qu’elle veut devenir agricultrice. De parents suisses-alémaniques, la jeune fille est parfaitement bilingue. Elle part effectuer son apprentissage en Argovie et obtient son CFC en 2012.
Florence et Raphaël se rencontrent en 2010 lors d’une fête de jeunesse et ne se quitteront plus. Après leurs apprentissages, ils partent neuf mois en Nouvelle-Zélande. Là-bas ils passent trois mois dans une ferme où ils découvrent une autre façon de travailler. Le domaine s’étend sur 420 hectares et le bétail (850 vaches) vit toute l’année dehors, se nourrissant uniquement d’herbe de pâturage. Les agriculteurs locaux produisent du lait avec peu de frais, mais en contrepartie les troupeaux sont gigantesques pour que la production soit rentable. Le couple continue leur périple à travers le pays échangeant nuitées contre services rendus.
À leur retour en Suisse, ils s’installent à Fontaines. Raphaël travaille pour Prometerre avant d’être employé agricole chez Didier Fardel à Fiez. Florence effectue aussi quelques dépannages pour Prometerre, puis poussée par ses parents, elle reprend ses études, obtenant une Maturité professionnelle en 2014, suivie d’un Bachelor d’ingénieur agronome en 2017. Durant son cursus elle effectue des stages d’enseignement, puis est engagée en fixe pour enseigner la production animale, les soins, l’alimentation, soit tout ce qui concerne le bétail, aux apprentis romands et alémaniques des écoles d’agrilogie de Marcelin et de Granges-Verney. « Je suis tombée dans l’enseignement par hasard et j’aime beaucoup cette activité. Les échanges avec les élèves et aussi le fait d’être toujours au courant des dernières nouveautés, c’est un plus pour la ferme », relève-t-elle.
À leur retour de Nouvelle Zélande, le couple a pris goût aux voyages et part chaque année, toujours sac au dos, à la découverte d’un autre pays, faisant quasiment le tour du monde et s’arrangeant toujours pour visiter des domaines agricoles. « Le bétail c’est notre passion et c’était l’occasion pour nous de découvrir comment cela se passe ailleurs », expliquent-ils. Florence et Raphaël rêvent aussi d’avoir leur propre domaine et commencent à prospecter. En été 2016, Raphaël apprend que Louis et Nicole Thévenaz veulent remettre le leur, il va les voir au hasard et rentre à la maison annonçant à Florence qu’il a dégoté un domaine !
L’amour du bétail
Raphaël commence à travailler avec les Thévenaz durant les week-ends, ainsi que les étés, puis à temps complet dès 2019. Cette même année le couple se marie, retape l’habitation affiliée au domaine, puis emménage à Bullet à l’automne avec leur chienne Belle, un border collie âgé de cinq ans. Florence continue l’enseignement à plein temps, avant de réduire son activité professionnelle à 70% dès 2020. « Au début c’était un peu sport de concilier les deux avec la traite à 4h30 avant de partir à Marcelin ou Granges-Verney, maintenant on a pris nos marques », confie-t-elle en souriant.
À la reprise du domaine, Florence et Raphaël ont investi dans onze nouvelles vaches pour commencer un élevage de Swiss Fleckvieh et Simmenthal Red Holstein. Depuis ils ont déjà eu treize vêlages. La ferme située derrière l’église de Bullet peut accueillir vingt-huit vaches, mais au moment de notre visite, celles-ci ont déjà rejoint leur résidence estivale, soit le pâturage des Planets. L’occasion pour le couple de faire quelques améliorations avec un nouveau tapis anti-abrasif pour le confort des bovins, de nouveaux abreuvoirs avec plus de débits, ainsi que de nouveaux box pour les veaux. En plus du bétail, ils entretiennent une septantaine d’hectares que constitue le domaine entre la propriété et les parcelles louées. Même s’ils savaient où ils mettaient les pieds, Florence et Raphaël avouent que ces six premiers mois n’étaient pas faciles, mais ils sont toujours restés positifs ! Ils aiment être en contact avec le bétail, sont heureux de pouvoir travailler ensemble, concrétisant leurs propres idées, tout en assumant leurs décisions. Leur rêve devenu réalité… tout simplement !
Paroles en or
Fils de paysans, Louis Thévenaz termine son apprentissage d’agriculteur en 1979 à Frauchwil/BE où il apprend du même coup le suisse-allemand, puis effectue deux fois six mois de cours d’hiver à l’école d’agriculture de Marcelin. Dès la fin de son apprentissage il commence à travailler à la ferme de Céderic Rochat à Bullet. « J’ai failli ne jamais y aller… À l’époque tous mes copains paysans m’y ont découragé car Céderic avait la réputation d’être dur. C’est ma maman qui m’a convaincu d’aller essayer avant de renoncer et j’ai bien fait ! » En 1983 Louis reprend l’exploitation de son père tout en travaillant chez Céderic Rochat. Au même moment ce dernier lui dit qu’il lui remettrait son domaine quand il aurait 55 ans, soit dans douze ans. « Chose rare aujourd’hui, Céderic a tenu parole, alors que nous n’avions rien d’écrit », confie Louis. Le 1er mai 1995, Louis et son épouse Nicole reprennent donc l’exploitation de Céderic Rochat.
« En été 2016, Raphaël est venu nous rendre visite pour nous demander comment l’on voyait l’avenir. Une demi-heure après, je lui disais que je lui remettrais l’exploitation après mes 60 ans », raconte Louis. Comme Céderic Rochat l’avait fait pour lui quelques décennies plus tôt, Louis Thévenaz a tenu parole et a remis l’exploitation à Florence et Raphaël Tagini au 1er janvier 2020, une année plus vite que prévu.
N’ayant pas pu prendre de vacances ces dernières années, les jeunes retraités avaient prévu un voyage en Norvège ce printemps qui a dû être annulé et reporté. « L’exploitation ne nous manque pas, nous apprécions de ne plus avoir d’horaires et à défaut de découvrir la Norvège, nous avons profité de nous balader dans la région », concluent Nicole et Louis Thévenaz, heureux et reconnaissants de pouvoir vivre une retraite paisible à Bullet.