Une bonne septantaine de personnes a franchi la porte de la grande salle de Bullet, mercredi dernier, pour rencontrer la Municipalité, le comité référendaire et le promoteur du parc éolien de la Grandsonnaz.
Le 22 septembre, les citoyen.ne.s de Bullet se prononceront en référendum sur le projet éolien de la Grandsonnaz, soit quinze machines sur le Chasseron, réparties sur le territoire de quatre communes (dont cinq sur Bullet). De leur côté, Fontaines-sur-Grandson, Fiez et Mauborget ont déjà dit « oui ». Mercredi soir, les trois « parties » au débat avaient choisi la forme de stands pour se présenter. La Municipalité in corpore, accompagnée de la boursière, se tenait d’un côté. De l’autre trois personnes du comité référendaire issu du Conseil communal, et devant la scène, Ennova, détenue à 100 % par les Services Industriels de Genève, porteur du projet avec son chef et deux accompagnants. À charge pour les Bullatonnes et Bullatons intéressés d’aller librement poser leurs questions ou faire part de leurs réflexions, dans un grand brouhaha.
Beaucoup de personnes âgées avaient fait le déplacement, elles ont très vite gagné les chaises disposées sur le pourtour de la salle, échangeant entre elles ou faisant une incursion vers l’un ou l’autre stand. Une grosse demi-heure après le début de la séance, l’assistance avait déjà diminué de moitié. « Je ne voyais pas cette séance ainsi », glisse une dame dépitée en se dirigeant vers la sortie.
À la première personne
La Municipalité, favorable au projet de parc éolien, parle à la première personne sur son panneau. En votant oui, « j’aide mon canton et ma commune ». Le parc de la Grandsonnaz a sa place dans la stratégie du développement des énergies renouvelables. Il a été étudié et approuvé dans le respect du processus démocratique. Aux yeux de l’Exécutif, les concepteurs du parc ont « trouvé un juste équilibre entre la production d’énergie renouvelable et le respect de l’environnement ». Ou encore « ma commune va bénéficier de retombées financières grâce à des indemnités ». « Je profite directement de cet argent investi pour la population sous forme de subventions et d’infrastructures publiques essentielles ».
« Ce parc éolien n’a pas sa place en zone agricole et forestière et il ne respecte pas les voies d’accès existantes », soutiennent de leur côté les représentants des membres du comité référendaire, Sandra Blaser, Maxime Sorel et Alexandre Genoud, qui prônent le non le 22 septembre. Ils ne veulent pas d’un « parc industriel en pleine nature », d’une « énorme route dont la moitié des 14 km est à construire et d’un « gigantesque chantier » qui « saccageront le patrimoine bullaton préservé depuis des décennies ». Avec à la clé une perte écologique conséquente – 3,7 millions pour des mesures destinées à réparer les dégâts. Ils déplorent l’impact négatif sur le paysage et la perte de tranquillité, que ce soit depuis le Chasseron ou les pistes de fond du secteur les Cluds - La Caravane. Le comité s’inquiète aussi du risque financier pour la commune au moment où il faudra démanteler le parc, la provision de 100’000 francs par éolienne leur paraissant dérisoire.
Présent pour répondre aux questions techniques des citoyens, le promoteur Ennova propose deux cartes du secteur de la Grandsonnaz, sur l’une, de petits pictogrammes aux endroits où seront placées les quinze machines de 150 mètres de haut, sur l’autre le tracé de la route d’accès. Le document assure que les machines « tourneront 80 % du temps, qu’elles fourniront l’équivalent de 24’000 ménages, et qu’en moins d’un an elles auront produit l’énergie nécessaire à leur cycle de vie ». Le promoteur voit déjà au-delà de la durée de vie (20-30 ans) et souligne que le démantèlement des éoliennes pourra se faire « en une semaine, et que 90 % sera recyclable ».
Au moment de faire le bilan de la soirée, Emmanuel Guérin, chef de projet, reconnaît « qu’il n’y pas a eu énormément de discussion, pas de question particulière, mais que beaucoup de personnes sont venues dire qu’elles étaient favorables au parc éolien ».
Retombées financières
De son côté, Maude Schreyer, syndique, relève que la soirée a été « une bonne occasion d’entendre la population, de rappeler aussi les étapes du projet et de renseigner sur le projet ». Elle accepte les critiques sur le choix de « stands de marché » plutôt que d’une séance plénière, pour laquelle il aurait fallu un modérateur, notamment pour gérer le temps de parole. Les questions qui ont été le plus fréquemment posées avaient trait à « l’impact du parc et à ses incidences sur les finances communales ». Elle précise que le promoteur versera des indemnités à la commune, correspondant à 4,5 % du courant produit, mais au minimum 132’000 francs par an. Selon les projections, le montant pourrait atteindre 150’000 à 200’000 francs. Des montants qui entreront cependant dans le calcul de la péréquation intercommunale. « En principe, Bullet devrait rester bénéficiaire ».
En cas de réalisation du parc, « il y aura des impacts sur le tourisme du fait des travaux, mais une fois ceux-ci terminés, la région de la Grandsonnaz sera de nouveau accessible comme auparavant » estime la syndique. « Dans l’ensemble, on imagine que cela restera équilibré, et que les incidences sur l’activité touristique régionale seront soutenables ».
Avec la population
Au stand des référendaires, le trio constate que certaines personnes sont venues conforter leur opinion, alors que d’autres cherchaient des informations. « Les gens ont été surpris des impacts paysagers et de l’emprise du parc sur les exploitations agricoles ». De manière générale, note le comité référendaire, les Bullatonnes et les Bullatons « ne sont pas assez au courant du projet et de ses implications, il n’y a jamais eu de débat public, pas plus qu’au sein du Conseil d’ailleurs ». Mercredi soir, des participants relevaient qu’ils auraient bien voulu des séances-débats avec la population, plutôt que de devoir venir s’informer individuellement sur des stands, comme lors de la présentation du projet.
En cas de oui de Bullet le 22 septembre, la procédure en vue de la construction du parc éolien de la Grandsonnaz se poursuivra. Actuellement, l’autorisation cantonale délivrée au projet est contestée par quatre ONG qui ont déposé un recours auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal.
Si les citoyen.ne.s de Bullet refusent le parc, « cela compromet la procédure, mais pas le parc éolien intercommunal », explique Emmanuel Guérin, ajoutant : « les trois communes qui ont déjà validé le projet peuvent décider de le poursuivre avec une nouvelle procédure, sans Bullet ».
0