Covid-19 oblige, la partie officielle et les animations en lien avec la fête nationale ont été annulées à Sainte-Croix. Seuls les feux d’artifice ont été tirés samedi. Dans le chef-lieu du Balcon du Jura, il est de tradition que ce soient les pompiers qui se chargent de cette tâche. Ce soir-là, ils étaient cinq à la manœuvre, trois artificiers et deux « stagiaires ». Reportage.
22h28. La nuit est tombée, le silence règne sur la crête du Mont des Cerfs. On devine la croix du Cochet, illuminée, qui scintille à l’horizon. La plateforme de tir, une remorque, est positionnée sur le chemin vicinal qui permet l’accès aux pâturages. Elle trône à vingt mètres de haut, au bout du bras d’un élévateur réquisitionné pour gagner un peu de hauteur (lire encadré). À l’Ouest, les lueurs orangées d’un violent orage rendent les artificiers inquiets. « Si j’en crois les applications météo, nous avons une fenêtre de tir pile au bon moment. Il semblerait que l’orage nous passe à côté mais les animations changent en permanence aujourd’hui », souligne Cyril Guinchard, responsable des artificiers sainte-crix.
Ce soir, c’est à lui qu’appartiendra de tirer le feu. Cela fait une vingtaine d’années qu’il fait partie de l’équipe chargée des feux d’artifice. Il est titulaire, comme ses collègues, d’un permis de tir FWA. « Nous avons suivi des cours afin d’avoir le droit de tirer cette catégorie de feux. Nous devons effectuer un rappel tous les cinq ans », explique-t-il. Le responsable se prépare. Il se positionne à une centaine de mètres de la plateforme. À ses côtés, Sandrine Jaccard, dix-huit ans de feux d’artifice au compteur. Son rôle sera de lire le plan de tir qui indique le nombre de coups par carton et la durée de ces derniers. « Cela nous permet de contrôler les éventuels ratés. Il y en a presque à chaque fois », explique-t-elle. D’ailleurs, c’est un carton qui n’est pas parti en 2019 qui servira de salve d’annonce pour le feu de cette année.
Précision helvétique
22h29. Les pompiers ont bouclé le périmètre. Ils ont revêtu leur tenue de protection contre l’incendie, casques vissés sur la tête. Le lancement est imminent. Le chef de tir contacte par radio Alexis Petitpierre, cours d’artificier en poche depuis dix ans, pour lui demander si tout est en ordre de son côté. Il se trouve à l’opposé du pas de tir et contrôle que personne ne traverse la zone. « Nous sommes souvent confrontés à des gens qui sous-estiment le danger », regrette-t-il. « Et c’est bien connu, l’endroit où l’on voit le mieux un feu d’artifice, c’est en se positionnant juste en dessous de celui-ci », rigole-t-il.
Les trois coups de la salve d’annonce sont lancés. « Sandrine, on attend pile 22h30 pour début du feu, ok pour toi ? », questionne Cyril Guinchard. « C’est tout bon », répond-elle. Les deux coups annonçant la demi-heure résonnent au clocher de l’église. « On part avec le A1, dix coups, trente secondes », souffle-t-elle. Cyril Guinchard manipule la radiocommande. Le premier coup part. Le feu dure quinze minutes.
Préparation minutieuse
Le tir s’est déroulé sans accroc. Il a été préparé le jour même à la caserne du SDIS à Sainte-Croix. Une remorque de la Commune fait office de plateforme de tir. « Il y a 36,8 kilos de masse explosive pour un total de 274 kilos tout compris. La Commune attribue un budget d’environ 1 franc par habitant soit 4500 francs », souligne Cyril Guinchard.
Les artificiers disposent les cartons contenant les éléments pyrotechniques selon le plan transmis par le fournisseur. Ils les calent avec du bois. « Il faut éviter au maximum qu’ils puissent bouger, c’est une question évidente de sécurité », explique Alexis Petitpierre. Les routiniers sont accompagnés ce jour-là par Kim Merminod et Quentin Joseph. Ces derniers découvrent le travail d’artificier. Leur but est de suivre les cours prochainement. « C’est le genre d’engagement où tu sais que tu ne pourras pas partir en vacances au 1er août durant vingt ans », rigole Quentin.
À 18h30, après avoir laissé passer l’orage, l’équipe se rend sur le site pour fixer le dispositif. « Vu que c’est une première tant à cet endroit qu’avec un élévateur, nous préférons prendre un peu de marge », indique le responsable. Une fois cette tâche effectuée, les artificiers peuvent retourner en caserne pour partager le repas avec l’équipe de permanence et leurs familles. Un moment de camaraderie où ils profitent de se détendre avant le début du feu. « Nous avons beaucoup de plaisir à faire plaisir. Nous aimons nous rendre disponibles pour la collectivité. C’est une tâche qui correspond tout à fait à l’esprit des pompiers en général », conclut Cyril Guinchard.
Visible depuis L’Auberson et Sainte-Croix
Les festivités ont été réduites au strict minimum en raison de la pandémie actuelle. La diane, jouée par une partie des membres de l’Union instrumentale de Sainte-Croix, a tout de même retenti dans la Commune dès 4h30 avec notamment un arrêt, comme de coutume, chez le président du Conseil communal qui est cette année Andreas Zurbrügg et le syndic sainte-crix Cédric Roten. Faute de partie officielle et autres animations, il a été demandé aux artificiers de trouver un endroit d’où le feu puisse être visible depuis les villages de Sainte-Croix et de L’Auberson. « Le Mont des Cerfs nous a paru être la meilleure option », explique Cyril Guinchard. « Nous avons testé plusieurs zones le long du chemin pour trouver la place d’où l’on pouvait distinguer L’Auberson et Sainte-Croix », explique-t-il.
Le propriétaire et l’exploitant du pâturage ont eu la gentillesse de donner leur accord. « Je me suis alors approché de nos fournisseurs, la maison Sugyp de Grandson, pour savoir s’ils pouvaient nous mettre à disposition des feux pouvant atteindre une altitude supérieure afin d’assurer le coup. On m’a répondu que ce n’était pas possible mais ils m’ont indiqué, par contre, que nous pouvions placer la plateforme de tir en hauteur », indique-t-il. Le responsable s’est alors tourné vers Anthony Joseph, un ami et collègue pompier, qui a mis à disposition l’élévateur de la menuiserie familiale. Et voilà vingt mètres de gagnés. Bien que « petits » vu l’éloignement du lieu de tir, les feux ont effectivement été visibles par les habitants des deux villages. Le défi a donc été relevé.