Le budget 2023 présenté lundi au Conseil bullaton n’a pas passé la rampe. L’excédent de charges prévu, de quelque 243’000 francs, a interpellé la commission des finances qui a préconisé le refus du budget dans son rapport. Le but ? Provoquer une remise en question.
Le fait est assez rare pour être souligné. Le Conseil communal bullaton a décidé de ne pas accepter la proposition de budget 2023 soumis par sa Municipalité. La raison ? Un excédent de charges de 243’100 francs défendu comme difficilement compressible par la Municipalité. La raison bis ? Ce déficit n’est pas dû à un fait particulier et pourrait se reporter dans les années à venir, faisant craindre à la majorité des membres du Conseil présents lundi soir une détérioration rapide de la situation financière de leur commune.
Douze des vingt-deux conseillères et conseillers présents lundi soir ont donc décidé de suivre la proposition du rapport de la Commission des finances qui demande à l’Exécutif de revoir sa copie (4 abstentions, 6 voix contre). Contacté mardi car retenu par d’autres obligations le soir de la séance, le rapporteur de la Commission des finances, Yves-Alain Prévitali, explique : « Notre Commission a déjà fait part l’année dernière mais aussi lors de la précédente législature de ses inquiétudes à ce propos. Nous n’avons pas vu de signes ostensibles d’amélioration et avons l’impression que nos remarques et nos demandes n’ont pas été prises en considération. Après plusieurs avertissements, nous avons décidé, cette fois-ci, de tirer la sonnette d’alarme ».
« Nous sommes conscients des inquiétudes qu’engendre ce budget. Ce dernier ne nous satisfait d’ailleurs pas. Nous avons voulu présenter la situation de manière transparente », a indiqué avec une certaine forme de fatalisme la syndique Maude Gonthier, lors de la séance de lundi soir. « Bien sûr que nous aurions pu vous présenter un budget équilibré ou presque en revenant ensuite devant votre Conseil avec des crédits complémentaires en fin d’année. Nous avons préféré présenter une situation qui nous préoccupe mais qui est, selon nous, proche de la réalité », a-t-elle complété.
Des postes sous la loupe
Le projet de budget présente un total de charges de 4’582’550 francs soit 245’884 francs de plus que le budget 2022. Parmi les coûts qui prennent l’ascenseur, la Commission des finances et le Conseil se sont notamment étonnés de l’augmentation des participations à diverses structures intercommunales. Tout d’abord le poste « Crèche, UAPE et ARAS » dont la participation bullatone, calculée au prorata du nombre d’habitants, augmente de 31’150 francs. « Une plus-value en lien avec l’augmentation de la demande mais aussi des normes qui engendre un besoin croissant de personnel qualifié », explique le rapport de commission.
Le budget des écoles, réparti de la même manière entre les communes, prend lui aussi l’ascenseur avec une plus-value 34’200 francs « due notamment à la construction de la nouvelle salle de gymnastique de la Gare et l’achat de tableaux interactifs », précise le document.
La gestion des déchets, qui présente un déficit chronique de quelque 70’000 francs, a suscité des questions, notamment sur la possibilité de réduire le volume des incinérables produits par les ménages bullatons.
Le tourisme a également occupé les débats. « Cette thématique est toujours sujette à discussion. Nous constatons que pour équilibrer ce compte, et malgré l’encaissement d’environ 100’000 francs de taxes de séjour, dont une grande part est reversée à l’ADNV, la Commune doit puiser chaque année dans le fonds de réserve. Ce dernier n’est pas inépuisable et il ne serait pas normal que le déficit chronique soit ensuite comblé par l’impôt du contribuable », souligne la Commission. En 2023, c’est un montant de quelque 4’000 francs qui viendra amputer la réserve.
Certains conseillers se sont émus de la situation en indiquant que les contribuables subissent les effets du tourisme lors des jours de grande affluence dans la région et vont bientôt également en payer le prix par le biais de l’impôt, alors que ce poste devrait plutôt rapporter de l’argent à la Commune. « Les communes ont pris la décision, il y a quelques années, de confier la gestion du tourisme à l’ADNV. Il faut bien financer leurs services d’une manière ou d’une autre », a rappelé, en substance, la syndique Maude Gonthier. « Le tourisme crée aussi des emplois et des entreprises en vivent, ce qui permet aussi à la Commune d’encaisser des impôts entre autres retombées », a-t-elle ajouté.
Marge de manœuvre limitée
Le reste du budget a été passé au peigne fin et les conseillères et conseillers ont posé de nombreuses questions. Les membres de l’Exécutif ont tenté d’y répondre en indiquant que des mesures et discussions étaient en cours pour trouver des solutions mais que certaines dépenses sont difficiles à éviter ou à reporter. « Si on parle de l’entretien des bâtiments, par exemple, lorsqu’un velux coule, il faut le changer, on ne peut pas attendre et laisser les gens vivre dans ces conditions », a notamment répondu la syndique. « Nous sommes bien conscients que la Municipalité est préoccupée par la situation et que sa marge de manœuvre est faible voire inexistante dans certains domaines. L’inflation normative du Canton engendre, elle aussi, de nombreux coûts supplémentaires », constate Yves-Alain Prévitali. Le rapporteur en veut pour preuve, par exemple, la mise à niveau obligatoire du logiciel d’état civil pour une valeur de quelque 8’000 francs.
Sans surprise, les postes en lien avec l’énergie prennent eux aussi l’ascenseur. La Municipalité en a tenu compte dans l’élaboration du budget. Cela représente une différence de charges estimée à environ 19’000 francs par rapport à celui de l’année en cours. Ce point n’a pas été contesté, si ce n’est que le Conseil s’est étonné de ne pas voir certains tarifs et loyers être augmentés en conséquence. « Pour ce qui est de l’eau, par exemple, nous ne pouvons pas augmenter le tarif aujourd’hui car nous avons déjà atteint le plafond autorisé par notre règlement. Ce dernier aurait dû être révisé il y a quelques années. C’est en cours. Nous l’avons soumis au Canton et une fois qu’il l’aura validé nous vous le soumettrons », a annoncé le municipal Patrice Jaquier.
Du côté de l’Exécutif, il a été relevé que le « trou » est aussi creusé par une baisse des revenus fiscaux engendrée par la volonté du Conseil de passer le point d’impôt de 71.5 à 70 pour 2023. Un choix visant à soulager les contribuables mais qui impacte de quelque 40’000 francs les deniers communaux, péréquation comprise. « A posteriori on pourrait évidemment remettre en question notre décision. Mais nous avons estimé que ce n’est pas au contribuable de toujours passer à la caisse. Nous souhaitons faire passer un message aux instances cantonales qui exigent de plus en plus des Communes sans que la répartition des impôts ne varie ostensiblement », explique Yves-Alain Prévitali. « Pour le reste, nous souhaitons que la Municipalité fasse tout ce qu’elle peut pour trouver des pistes d’économies internes. Nous lui demandons aussi de prendre son bâton de pèlerin afin de défendre nos intérêts auprès des instances partenaires. Mais aussi, de tenter de négocier certaines conventions dans le but de stabiliser, voire diminuer les charges liées à ces dernières », poursuit-il. Un avis et des demandes partagées par plusieurs conseillères et conseillers lundi soir.
Revenus difficiles à trouver
Si la majorité de l’organe délibérant souhaite que des actions soient entreprises pour limiter les charges, du côté des revenus, les conseillères et conseillers constatent qu’il n’y a pas beaucoup de possibilités. « L’un des seuls revenus significatifs pour une commune est l’impôt. Combler cet excès de charges sur la durée représenterait une augmentation massive de ce dernier. Cela paraît difficilement possible. Nous n’avons pas, en outre et comme d’autres communes, de zone pouvant accueillir des industries. Je ne veux pas vendre mon âme au diable mais il faudrait peut-être aussi prendre en considération les revenus engendrés par la construction éventuelle du parc éolien pour tenter d’équilibrer les comptes », a notamment relaté le conseiller Rudolf Widmer.
Quant aux structures intercommunales, tant les membres de l’Exécutif que certains conseillers ont rappelé qu’il serait difficile ou alors certainement plus onéreux d’avoir ses propres infrastructures que de participer financièrement pour profiter de celles en place à Sainte-Croix.
Dans son rapport, la Commission indique justement que la taille «intermédiaire» de la commune de Bullet est un désavantage. « Cela induit certaines dépenses incompressibles qui représentent un faible impact pour une grosse commune mais une source d’inquiétude chez nous. En dernier recours il faudra peut-être relancer le débat sur la fusion. » « Le plan d’investissements de la législature est ambitieux et certaines dépenses conséquentes, comme la réalisation de la STEP, seront obligatoires. Il faut aussi penser à garder une marge de manœuvre pour entretenir notre patrimoine », complète Yves-Alain Prévitali. « Si cette situation perdure, nous pouvons craindre de devoir abandonner des projets utiles pour notre population », s’inquiètent le rapporteur et la Commission.
Volonté de présenter
un budget au plus vite
En attendant, la commune de Bullet se trouve donc sans budget validé pour débuter l’année. Une situation qui met la Municipalité dans une situation inconfortable mais pas critique. « Si le budget de fonctionnement n’est pas adopté avant le début de l’exercice, la Municipalité ne peut engager que les dépenses indispensables à la bonne marche de l’administration jusqu’à l’adoption d’un budget par le Conseil », a rappelé la syndique lundi soir. Le caractère indispensable d’une dépense doit être apprécié par la Municipalité à la lumière des spécificités de chaque commune, apprend-on dans l’aide-mémoire cantonal. « Nous allons essayer de présenter une nouvelle mouture le plus rapidement possible. Nous espérons que ce sera pour le mois de mars. Mais il paraît peu évident de pouvoir changer considérablement les choses dans ce délai. Il nous faudra plus de temps pour obtenir des résultats », a expliqué la syndique. « Nous sommes bien conscients de cette difficulté. Du côté de la Commission, nous attendons de la part de l’Exécutif une prise de conscience, des réponses claires, du dialogue et un plan d’actions », conclut Yves-Alain Prévitali.
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