Il en rêvait depuis des années. Les premiers exemplaires de la montre Mbch sont dans ses mains, réalisés avec un ami horloger tout aussi créatif que lui. Rencontre avec Bastien Chevalier dans son atelier sainte-crix à la veille d’un tournage sur son travail.
À la pleine maturité de son art, la marqueterie contemporaine, Bastien Chevalier réalise ses premières montres avec un ami proche, horloger, des garde-temps signés Mbch. Trois exemplaires uniques, qui en appellent d’autres. Les deux artistes ont tout réalisé de A à Z dans cette montre à remontage manuel, avec mouvement apparent au dos. « Dès le départ, il y a cinq ans environ, nous avons choisi un design et une taille unisexe », évoque en substance Bastien Chevalier. Esthétique, le boîtier en acier inox s’accompagne d’une courbure des cornes particulièrement travaillée. La couronne s’orne, elle, d’un petit homme stylisé et de deux flèches symbolisant le mouvement. « Mon ami a fait un travail de fou », souligne l’artiste. Les métiers de l’horlogerie étant très segmentés, il a dû potasser pour dessiner un prototype en 3D et s’atteler à des tâches, comme les finitions, qu’il n’avait jamais accomplies.
Le boîtier de la montre Mbch est fabriqué à Genève, comme le bracelet sur mesure, pour lequel les deux concepteurs choisissent un cuir spécifique et jusqu’au fil de couture en fonction des couleurs de la marqueterie. Les lignes simples des aiguilles s’adaptent à divers types de motif. La signature des créateurs est discrète, le sigle Mbch comme Montre Bastien Chevalier, est gravé au laser sur la boucle du bracelet.
Pièces minuscules
Bastien Chevalier n’est de loin pas un novice dans la marqueterie horlogère. Diverses manufactures de renom lui ont confié la réalisation de cadrans ces dernières années, Vacheron Constantin en particulier. Les motifs étaient conçus par les designers de l’horloger, à charge pour le marqueteur de les reproduire avec des centaines de minuscules pièces de bois, d’essences, de teintes et de structures différentes.
Bastien Chevalier conçoit le projet avec le client. Le premier intéressé, un Martignerain, lui a montré des photos des œuvres d’un artiste qu’il aimait bien, dont il s’est inspiré pour les motifs du cadran, tout en ajoutant son style. La deuxième montre, destinée à sa maman, est sobre et douce, avec une fée Clochette. Et pour la troisième, le futur propriétaire a laissé carte blanche à l’artiste.
« Nous sommes très contents d’y être parvenus », avoue Bastien Chevalier, le regard empreint de fierté. Les deux hommes ont développé la Mbch avec le soutien apprécié de divers Sainte-Crix, en parallèle à leur travail et avec leurs propres deniers. Une démarche indispensable pour réduire le coût de la création d’une marque, estimé en général à plusieurs millions de francs.
Montres uniques
Les deux créateurs ont choisi d’emblée de ne pas entrer dans les canaux de promotion habituels, comme les grandes foires de l’horlogerie. « Exposer juste une semaine à Baselworld ferait plus que doubler le prix de notre montre, calculé dès 17’300 francs », relève l’artiste sainte-crix. Les deux ou trois premiers exemplaires payeront la dizaine de boîtiers que le duo a fait fabriquer. Ensuite, les deux hommes réaliseront la montre qu’ils porteront au poignet, qui sera aussi leur instrument de promotion. « Notre but n’est pas de créer une vingtaine de montres par année, ce seront des pièces uniques, un peu confidentielles », confie Bastien Chevalier. Le duo entend également rester dans la ligne d’un produit 100 % suisse, fait main et éthique.
Bastien Chevalier apprécie aussi d’exposer ses réalisations. Mais entrer dans les galeries est encore difficile pour un précurseur d’un style « street art » en marqueterie. Il a déjà présenté ses œuvres au Bunker à Sainte-Croix, dans plusieurs endroits à Yverdon, mais également à Paris. L’an dernier le Sainte-Crix a participé à Homo Faber à Venise. La semaine dernière, il était au cœur d’un tournage qui met en valeur des savoir-faire d’exception.
Un parcours comme les pièces d’un puzzle
À la naissance de Bastien Chevalier, sa famille s’installe à Ballaigues. Il fait ses classes à Vallorbe, puis à Yverdon-les-Bains dès l’âge de douze ans. À l’école, il suit d’une oreille, préférant dessiner dans ses cahiers. À l’adolescence, il découvre le skate. Jeune adulte, ce sera le street art, avec un sérieux penchant pour les tags. Ce qui lui vaudra des amendes salées et nombre de murs à repeindre !
Son parcours professionnel se construit et se combine comme les pièces d’un puzzle. Il accomplit un apprentissage d’ébéniste, puis devient l’élève de Jérôme Boutteçon, meilleur ouvrier de France 1999 en marqueterie. Il passera six ans à ses côtés, discipliné, toujours en recherche de perfection, améliorant encore et encore sa technique. Depuis 2005, il est à son compte, travaillant le dessin, la peinture, la marqueterie contemporaine et de plus en plus la marqueterie horlogère.
Aujourd’hui, il met l’imaginaire de l’enfance, qui se lit toujours dans son regard bleu, au service de ses doigts d’or. Très créatif, Bastien Chevalier est aussi capable de pousser ses aptitudes à leur paroxysme. Comme lorsqu’il dessine, découpe et emboîte avec une attention, et parfois une tension extrême des pièces minuscules dans des espaces infiniment petits. Il peut y avoir jusqu’à quatre cents pièces pour un seul cadran, certaines microscopiques. Il travaille avec des lunettes grossissant quatre fois ou un binoculaire (8 x). L’artiste a trouvé sa place à Sainte-Croix, tissant des liens forts avec le réseau de créateurs exceptionnels que compte le Balcon du Jura.
0