Le dernier coiffeur pour messieurs de Sainte-Croix a rangé peigne, tondeuse et ciseaux.
Après une soixante d’années dédiées à la coiffure -dont quarante-six ans à Sainte-Croix- Antonio Ciardo a décidé de mettre la clé sous le paillasson au début du mois de janvier. Une décision pas facile, surtout lorsque les clients sont devenus pour la plupart des amis. Mais à presque septante-sept ans, un âge de raison, cela aura été sa « grande résolution » pour 2015.
Les fidèles clients d’Antonio ont vécu la nouvelle avec une certaine surprise et beaucoup d’émotions. Il faut dire qu’il a bien su garder le secret ou plutôt ce fut une décision express. Il a confié que l’idée a fait son chemin en décembre et c’est déjà dans l’édition du JSCE du 9 janvier que la fermeture était officialisée.
Lorsqu’il est arrivé à Sainte-Croix en 1969, après avoir travaillé à Brügg, Chaux-de-Fonds et Saignelégier, il s’est tout de suite bien senti sur le Balcon du Jura. Musicien depuis son plus jeune âge, il a rapidement intégré les rangs de l’Union Instrumentale de Sainte-Croix ce qui lui a permis de tisser des liens sociaux. Dans son Italie natale d’après-guerre, tous les copains partaient pour la Suisse où le travail était garanti. Son vœu le plus cher était de pouvoir se mettre à son compte. Mais dans les années septante, il fallait travailler dix ans avant qu’un étranger puisse devenir indépendant. Alors, lorsqu’une connaissance lui fit part qu’un salon était à remettre à la rue des Rasses à Sainte-Croix, il a saisi l’opportunité et ce fut le début d’une longue et belle carrière.
À l’évocation de souvenirs sur toutes ces années de coiffure, Antonio se rappelle que le métier a bien évolué. Au début c’était le coiffeur qui était le plus stressé. Les clients n’avaient pas de rendez-vous et il y avait parfois la queue pour se faire couper les cheveux. Mais cette joyeuse effervescence permettait de nombreux échanges, elle nourrissait les discussions sur la vie du village. Durant les dernières années, les agendas de ces messieurs se sont bien remplis et les visites chez le coiffeur en faisaient partie. Donc, date et heure de passage fixés, les clients se sont retrouvés un à un dans le salon, ce qui a eu pour effet de supprimer la partie « papotage ».
La musique a toujours été importante pour Antonio. D’ailleurs, dans son salon trônent toutes les photos de fanfares dont il a fait partie. En plus des ensembles de l’Auberson et Bullet avec lesquels il partage toujours son art, il a également été membre, pendant quelques années, de la guggen régionale « l’Boxon ». On se rappelle aussi qu’il a tenu pendant seize ans un magasin de musique dans sa maison à l’avenue des Alpes, en face du salon de coiffure !
Fidèle à son dévouement, Antonio continuera à se rendre au domicile de ses clients qui ne peuvent plus se déplacer. Si les autres se sentent quelque peu orphelins, l’offre en salon de coiffure dans la région est assez riche, ils trouveront certainement la paire de ciseaux idéale !
Souhaitons à Antonio une retraite remplie de bons moments amicaux comme il les aime tant. Dans deux ans, il fêtera ses noces de diamants (60 ans de mariage), certainement une belle occasion de faire un clin d’œil au couple Ciardo !
Marie-Claire Champod
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