Raphaël Joseph n’a pas froid aux yeux quand il débarque à Montréal le 29 avril 2014 avec 3’000 dollars en poche en vue de s’y installer. Il faut dire que le trololo voyage seul depuis l’âge de 10 ans… Nous l’avons rencontré à L’Auberson, juste au-dessus de la menuiserie familiale. C’est là qu’il revient chaque année en hiver, pour la fabrication des boîtes d’école…
« Un petit escalier étroit conduit au domicile où Raphaël vient de s’installer. À peine franchi la porte, on arrive dans la petite cuisine restée d’origine. « Nous sommes dans l’appartement de ma grand-maman Charlotte », confie le nouvel habitant des lieux tout en préparant le thé. Né à Sainte-Croix le 26 mars 1985, Raphaël grandit à L’Auberson entre la maison et la menuiserie familiale. Deuxième garçon d’une fratrie de trois, il passe son enfance à jouer avec ses copains trololos et à construire des cabanes dans les bois « nous allions toujours au bas de la Séchaz » ajoute-t-il. À douze ans il reprend l’exploitation de la patinoire de L’Auberson avec son frère Anthony et Cosette Martin, où il y restera durant dix ans. « C’est là que mon surnom Triton est apparu, car je sauvais les tritons de l’étang ! ». Un surnom bien ancré qui ne le dérange pas et pour lequel il ne manque pas d’anecdote ! « Lorsque je travaillais au carnaval, un jeune est venu vers moi et m’a demandé : je cherche Raphaël Joseph, tu sais qui c’est ? », se souvient-il en rigolant ! C’est en 2000 qu’il intègre la société du Carnaval de Sainte-Croix où il finira comme responsable des Guggenmusik jusqu’en 2010. « Nous étions une bonne équipe au comité, on riait bien ! ». En 2001, il fonde la jeunesse de L’Auberson avec Anthony Joseph, Cédric Jan, Mélanie Pahud, Emilie Bornand, Daniel Monod et Sébastien Recordon. « On a convoqué tous les jeunes de L’Auberson, la Chaux, la Vraconnaz, les Rochettes et c’est au Café Industriel, chez Pépé, que la jeunesse est née ! » raconte Raphaël avant d’enchérir « maintenant on m’a nommé membre d’honneur ! ».
Un besoin de grand air et de liberté
Après sa scolarité, Raphaël entreprend un apprentissage d’horticulteur-paysagiste chez Jacot Jardin à Yverdon-les-Bains. En 2004, son CFC en poche, il se lance comme indépendant. « Johan Kohler venait d’arrêter, il m’a proposé de reprendre sa clientèle », explique Raphaël. S’il adore son métier, il s’aperçoit assez rapidement qu’il y a peu de débouchés. « Chez nous les gens font beaucoup eux-mêmes et à notre altitude le travail n’est pas très varié ». En 2010, il arrête son entreprise et retourne chez Jacot Jardin durant un an, puis chez Miéville créations à Valeyres-sous-Ursins jusqu’en 2014. Durant son temps libre, il voyage. « J’ai toujours aimé voyager ! » raconte celui qui, à 10 ans, a pris l’avion seul pour Moscou où il rejoignait sa marraine Sylvie Hof et son mari Peter, alors consul en Russie. « Je prenais l’avion pour la première fois, j’étais pris en charge par le personnel de la compagnie aérienne. Tout s’est bien passé, jusqu’au moment où arrivé à Moscou, l’hôtesse s’aperçoit qu’elle a oublié mes papiers dans l’avion… j’ai dû passer la douane entouré de l’armée rouge ! », avoue-t-il en rigolant ! « Moscou était impressionnant, énorme ! La place rouge, le kremlin, c’était magnifique ! ». Son goût du voyage, il le doit à Sylvie et Peter Hof, qui le font venir en vacances à chaque fois qu’ils changent de lieu. « 1999 c’était Montréal, 2000 San Francisco » raconte-t-il les yeux brillants de souvenirs. En 2005 il part seul avec sa toyota celica en Turquie rejoindre sa maman qui vivait là-bas à ce moment-là. Il parcourt 8’000 kilomètres en dix jours, passant par l’Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie, Serbie, Kosovo, Bulgarie. « Ma maman avait vendu son bateau, il fallait l’amener à Marmaris. Une fois livré, on est rentré en passant cette fois par la Roumanie et la Hongrie ». Un voyage qui le marqua « avant de partir j’ai appris un peu le cyrillique pour m’y retrouver et aussi quelques mots de Russe, ça aide ! Les panneaux routiers portaient toujours les traces des mitrailleuses du temps de l’ex-URSS et certaines villes étaient encore en parties détruites, j’avais juste peur de tomber sur un champ de mines ! Pour passer les frontières facilement, on m’avait donné quelques tuyaux… Toujours avoir du chocolat, de l’argent et de l’alcool avec soi ! Avec ça, je n’ai rencontré aucun problème de tout le voyage ! » confie Raphaël tout en décontraction. En 2006 il repart seul à Montréal en vacances. Une ville où il se sent bien. « Les gens sont très chaleureux, j’ai vite fait des connaissances ! ». En 2014, il plaque tout et décide d’y repartir pour s’y installer. Il passe une semaine à l’hôtel, puis quelques amis et des cousins éloignés l’aident à trouver un logement et un job. Depuis il travaille chez Jean-Marc Pommier Paysagiste, durant sept mois par an. La vie est chère au Canada, il reste en colocation les deux premières années, puis finalement loue son propre appartement en plein centre du quartier latin « passé 30 ans, la colocation c’est bon ! » lance-t-il en souriant. Avec sa formation suisse, son employeur lui laisse carte blanche. Il gère ses clients et les travaux de A à Z. Méticuleux, il sort son écran pour nous montrer un plan de la ville « tous les points rouges, ce sont les chantiers que j’ai effectués ! » dit-il fièrement. « C’est difficile de trouver du personnel qualifié là-bas, car il n’y a pas de formations. Les machines et certains matériaux manquent, j’ai même demandé à ce qu’on m’amène ma caisse à outils de Suisse ! » rétorque celui qui adore la variété dans son métier. « On fait tout, des aménagements extérieurs complets ! Ça va de la création à la maçonnerie, en passant par les terrassements, le gazon, l’enrochement, etc. ». Durant son temps libre, il refait même l’entier de sa cour intérieure ! À Montréal pas besoin de voiture, il fait tout à pied, à métro ou en bus ! La vie est animée dans son quartier, les rues sont piétonnes, il y retrouve ses amis pour boire un verre ou faire un karaoké… Là-bas Triton n’existe pas, on l’appelle le « petit Suisse » !
Un futur en Suisse ou au Canada ?
« Quand je suis ici, je suis bien ici et quand je suis là-bas, je suis bien là-bas ! » résume Raphaël. Quand il rentre en Suisse, il passe toujours une semaine avec sa maman, avant de revenir à L’Auberson où il a plaisir à retrouver sa famille et ses amis. Au Canada, il y a toujours une fête quand il part pour la Suisse et une autre quand il en revient. Son patron paysagiste n’a pas besoin de lui durant la période hivernale, mais son permis de travail actuel n’est attribué qu’à un seul employeur. Raphaël a fait les démarches afin d’obtenir la résidence permanente canadienne, qui lui permettrait de rester aussi l’hiver en ayant un autre emploi. Le trentenaire a aussi gardé son âme de globe-trotter et profite de voyager dès qu’il le peut. « Je suis allé plusieurs fois à New York, j’ai testé tous les moyens de transport, voiture, avion et bus. C’est quand même l’avion le plus pratique avec 1h30 de vol ! ». Fan d’histoire et d’architecture, il ne manque pas de visiter les musées des villes où il voyage : Toronto, Québec, Ottawa et même Tadoussac pour voir les baleines. Mais « le petit Suisse » aime aussi faire visiter sa ville à ceux qui viennent le trouver...
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